Il décidait de tout. De sa manière de s'habiller, de son régime alimentaire, du parfum à porter, jusqu'à la couleur de ses cheveux. L'entièreté de la vie de Daehyun était contrôlé et modelé dans les moindre détail afin de convenir aux exigences ainsi qu'aux goûts personnels de son père. Pas d'écart possible: le paternel surveillait scrupuleusement ses allés et venues. Si son fils avait le malheur de se lier d'amitié avec quelqu'un, Monsieur Song venait lui demander des comptes pour, au final, lui interdire de fréquenter ladite personne. Si il avait besoin d'argent, Monsieur Song lui donnait le montant exact en liquide afin de ne pas laisser une carte bancaire entre les mains de son fils. Avait-il pensé à prévenir la police? Pas vraiment. Les seules fois où Daehyun s'était penché sur cette option, il ne mit pas longtemps à comprendre que toutes les chances étaient du côté de son père et de son armée d'avocats au salaire proprement ridicule. Avait-il pensé à fuir, fuir très loin, sans même se retourner? Un milliard de fois. Daehyun avait souvent fantasmer d'un départ discret en pleine nuit ou d'un sauveur qui l'arracherait à son bourreau, mais à cela deux problèmes se présentaient et tout deux portaient le nom de Soo-Min. Sa petite soeur avait atteint l'âge de 10 ans, le même âge où Monsieur Song avait troqué les attouchements pour le viol. Plus ou moins consciemment, la peur que le père de famille s'en prenne à Soo-Min devint dévorante. Plus d'une fois, il lui avait dit que si il refusait d'obéir et de satisfaire aussi bien des investisseurs que lui même, ce n'était pas bien grave. Il lui avait répété inlassablement qu'à la moindre tentative de désobéir, qu'à la moindre tentative de fuite, la petite Soo-Min prendrait sa place. Et, selon les mots de Monsieur Song, de part son âge d'enfant et son sexe féminin, elle lui rapportera bien plus de clients que lui, garçon ayant atteint la majorité. Si Daehyun avait envie de croire que son père bluffait, il ne savait malheureusement que trop bien la véracité de ses propres ainsi que la propension de Monsieur Song à mettre ses menace à exécution. Alors pourquoi ne pas partir avec Soo-Min? Les raisons étaient là aussi, multiples. La première était l'argent. Sans le moindre sou, il ne serait capable de procurer un minimum de confort et de protection à Soo-Min. Vivre à la rue? Si il était tout seul, à la limite. Après tout, il était majeur et vacciné, prêt à continuer à écarter les jambes si c'était pour avoir un peu de fric. Mais arpenter les villes, leurs dangers et leurs intempéries avec un enfant à charger étaient tout simplement hors de question. La seconde et dernière contrainte relevait du juridique. Monsieur Song, père et tuteur légal, avait plus de poids concernant la garde de Soo-Min que lui, jeune homme dépendant de son père et vivant sous le toit familiale. Pour sûr qu'il l'accuserait d'enlèvement en plus de l'humilier et de le traiter de menteur devant les yeux de la justice. Alors Daehyun continuait de faire ce qu'il savait le mieux faire: baisser la tête, débrancher son coeur, mettre son cerveau sur pilote automatique et ainsi obéir à tout les caprices et fantasmes de tout ces hommes. Des jeunes entrepreneurs friqué arrogant aux vieillards lubriques assis sur un empire de plusieurs millions. L'argent n'avait pas d'odeur, pas de visage et encore moins de conscience. Daehyun effleurait tout les jours la paroi froide de la grande baie vitrée d'une suite luxueuse, le regard perdu sur le ciel grisâtre et ses quelques corbeaux qui volaient, libre de partir loin d'ici d'un battement d'aile. Il les observait avec un petit sourire fatigué, resserrant doucement le drap blanc autour de lui. Dans les couloirs de l'université, dans les rues les plus huppées de Sidney ou dans les galas mondains, il entendait sans peine les milliers de murmures qui disaient: "A quel point ce jeune homme est-il chanceux dans sa vie!"